Les peuples, l’environnement et la démocratie avant les profits et les droits des multinationales

Déclaration concertée des groupes susnommés de la Société Civile Européenne travaillant contre les menaces du TTIP. Mai 2014

1/ Qui sommes-nous ?

Nous sommes une coalition d’organisations membres de la société civile européenne qui partage les profondes inquiétudes à l’égard des différentes menaces présentes dans le Transatlantic Trade and Investment Partnership TTIP (également connu sous le nom de Transatlantic Free Trade Agreement ou TAFTA). Nous représentons un large éventail d’intérêts publics comprenant protection environnementale, la santé publique, l’agriculture, les droits des consommateurs et la protection des standards de contrôle dans l’alimentation et l’élevage, le respect des animaux, les acquis dans le social et le travail, les droits des travailleurs, le développement, l’accès du public à l’information et les droits des internautes, les services publics essentiels incluant l’éducation, l’intégrité des systèmes financiers et autres.

Nous sommes fortement engagés dans la lutte contre les négociations en cours sur le TTIP, afin d’assurer la transparence et la démocratie du débat politique. Tout accord doit servir les intérêts publics et notre avenir commun.

2/ Qu’est-ce que le TTIP ?

Le TTIP est un accord d’une grande portée qui se négocie actuellement entre la Commission Européenne (au nom des Etats Membres de l’UE) et le gouvernement américain. Cela ne touche pas tant les échanges commerciaux, dont les tarifs sont déjà majoritairement assez bas entre l’Europe et les USA, mais principalement les régulations, standards, droits des multinationales et garanties d’investissements.

Le TTIP proposé vise soi-disant à faciliter les investissements directs et à éliminer les obstacles administratifs inutiles à l’accès au marché pour les multinationales de chaque côté de l’Atlantique.

Cependant, les preuves acquises de la position du business et de l’industrie montrent que la focalisation sur des barrières non-tarifaires et des convergences de régulations, est utilisé pour permettre la dérégulation, augmenter les garanties des investisseurs, orienter les droits de propriété intellectuelle vers des monopoles et une course vers le bas. Les bénéfices économiques proclamés mais non confirmés sont très marginaux pour l’ensemble de la société, même dans le meilleur des scénarios. Toutes les évidences rassemblées suggèrent que ces objectifs menacent des droits importants acquis lors de longues luttes démocratiques et les intérêts sociétaux publics de l’Europe, des USA et du reste du monde.

Les négociations se déroulent derrière des portes closes, sans consultation exhaustive et effective du public. Les Parlements Nationaux ne sont même pas informés des détails des textes de négociation de la Commission, mais de rares bribes d’information fournies -ou ayant fuité- soulèvent de considérables inquiétudes.

3. Quelles sont nos inquiétudes ?

  • Le manque de transparence et de procédure démocratique, qui rend impossible pour les citoyens et la société civile de superviser les négociations de façon à assurer que la protection des intérêts publics soit préservée. Actuellement ces négociations sont extrêmement partiales : les lobbies du business ont un accès privilégié aux informations et l’opportunité d’influencer les négociations.
  • Le chapitre de la proposition des investissements, particulièrement la clause de l’inclusion d’un Règlement des Différents Investisseur-État (RDIE, ou Investor State Dispute Settlement ISDS). Les dispositifs de l’ISDS donnent aux investisseurs les droits de poursuivre les états quand des décisions démocratiques -faites par des institutions publiques dans l’intérêt public- sont supposées avoir un impact négatif sur des profits anticipés. Ces dispositifs s’opèrent en dehors des tribunaux nationaux et compromettent notre système légal national ou européen et nos structures démocratiques votant des lois dans l’intérêt public.
  • La création de structures et de procédures de gouvernance nouvelles et anti- démocratiques, tendant à « harmoniser les régulations» comme la proposition du Regulatory Cooperation Council. Ces structures feront du TTIP une cible en mouvement constant, développée en secret par des bureaucrates non élus et des représentants des trusts. Ces structures anti-démocratiques menacent de faire baisser des standards et des règles importants conçus dans l’intérêt de la protection publique, ou d’interdire des améliorations à venir, sans prendre en compte des nécessités ou des mandats publics. Nous sommes aussi inquiétés par la perspective de renforcer la protection et l’application des « droits de propriété intellectuelle » qui pourraient invalider nos droits à la santé, à l’éducation et à la culture, ainsi qu’à la libre expression.

4. Nos exigences et nos buts communs :

En nous basant sur les valeurs de solidarité internationale, de justice sociale, de protection de l’environnement et le respect des droits de l’homme, nous travaillons avec nos partenaires aux USA et dans d’autres parties du monde et nous exigeons :
a) La transparence maintenant : les textes de négociation de la Commission Européenne ainsi que tous ses documents doivent être rendus publics pour permettre un débat ouvert et critique sur le TTIP.
b) Un processus démocratique : -incluant l’examen approfondi et l’évaluation des textes de négociation- qui assure que les décisions sont prises dans l’intérêt public et qui implique le parlement européen, des débats dans les parlements nationaux, dans les organisations de la société civile, les syndicats et tous les groupes concernés.
c) Pas d’ISDS : toute clause contenant un dispositif du Règlement des Différents Investisseurs États (Investor State Dispute Settlement ISDS), doit être éliminé définitivement des négociations, et aucun autre dispositif ne doit être introduit (y compris indirectement à travers d’autres accords commerciaux préexistants ou ultérieurs), qui octroierait des privilèges aux investisseurs.
d) Pas de Regulatory Cooperation Council : toute régulation des affaires, des conditions commerciales, des nomenclatures de produits et standards de production, doivent dépendre d’institutions et de processus démocratiquement contrôlés.
e) Pas de dérégulation des législations sauvegardant et servant les intérêts publics : le niveau des législations sociales et du travail, la protection des consommateurs et de la santé publique, la protection de l’environnement, y compris la régénération des ressources naturelles, le bien-être animal, les standards d’hygiène alimentaire et les pratiques agricoles soucieuses du développement durable, l’accès à l’information et l’étiquetage, la culture et la médecine, la régulation des marchés financiers, ainsi que la protection des données personnelles, ont besoin d’être améliorés, non « harmonisés» vers le dénominateur commun le plus bas. La reconnaissance mutuelle n’est pas acceptable si elle compromet les standards et les dispositifs de sécurité démocratiquement choisis. Le principe de précaution doit être largement appliqué.
f) Pas d’autre dérégulation ou d’autre privatisation des services publics : nous exigeons un accès garanti à une éducation de haute qualité, à un système de protectionmédicale et autres services publics, et une implication gouvernementale promouvant les emplois locaux, l’économie locale, la discrimination positive, l’esprit d’entreprise, l’économie solidaire et qui serve les intérêts publics.
g) La promotion de pratiques agricoles favorisant la protection de l’environnement et la protection des fermes familiales.
h) Les autorités publiques doivent conserver le pouvoir politique, maintenir les structures nécessaires à la sauvegarde de certains secteurs sensibles et des standards important défendant notre qualité de vie. Les continuelles violations du droit du travail devraient être sanctionnées par des amendes.

Tout accord commercial entre les US et l’EU, maintenant et dans l’avenir, devrait répondre à ces exigences, suivre ces principes et promouvoir la coopération, la justice sociale et l’écologie durable.

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