Les portes tournantes tournent encore
Quand les anciens commissaires de la Commission "Barroso II" rejoignent le secteur des entreprises
Résumé
Selon un nouveau rapport, un tiers des commissaires (9 sur 26) dont le mandat s’est achevé en 2014 ont poussé une « porte tournante » et exercent aujourd’hui des rôles au sein d’entreprises ou d’autres organisations reliées aux grandes entreprises, faisant craindre une relation malsaine entre l’organe exécutif de l’Union européenne et les intérêts privés. Selon nous, au moins huit activités exercées par quatre anciens commissaires illustrent le phénomène des portes tournantes et n’auraient en aucun cas dû être autorisées, au vu du risque possible de conflits d’intérêts. Il s’agit de l’autorisation accordée à l’ancienne commissaire (et aujourd’hui députée au Parlement européen) Viviane Reding de siéger aux conseils d’administration de la société minière Nyrstar 1, de l’entreprise Agfa-Gevaert et de la Fondation Bertelsmann (qui entretient des liens étroits avec le géant mondial des médias du même nom), ainsi que celle délivrée à Siim Kallas de mener des activités de consultant auprès de la société informatique Nortal. Par ailleurs, d’autres anciens membres de la Commission « Barroso II » (qui a géré les retombées de la crise financière internationale à la fin des années 2000) figurent aujourd’hui sur la liste des employés de la Bank of America Merrill Lyinch (Neelie Kroes), de la grande société d’investissement CVC et du gestionnaire de patrimoine Merit Capital (Karel De Gucht). L’ancien commissaire au Commerce Karel De Gucht, qui a engagé les négociations commerciales transatlantiques entre les États-Unis et l’Union européenne, a aussi reçu la bénédiction de la Commission actuelle pour rejoindre le conseil d’administration de l’entreprise des télécommunications Belgacom (aujourd’hui Proximus) 2. Mais ce n’est pas tout, l’ancien président de la Commission lui-même, José Manuel Barroso, participe aux rassemblements des lobbies d’entreprises du European Business Summit et du Groupe Bilderbeg.
Néanmoins, le problème n’est pas nouveau : en 2011, après une série de scandales impliquant d’anciens commissaires, Corporate Europe Observatory (CEO), LobbyControl et d’autres organisations, à travers l’Alliance pour une Réglementation sur la Transparence et l'Éthique du Lobbying (ALTER-EU – pour son acronyme en anglais), ont exigé une meilleure réglementation pour lutter contre le phénomène des portes tournantes. La Commission « Barroso II » nous a alors rétorqué que la nouvelle réglementation reprenait « les meilleurs pratiques européennes et internationales ». Pourtant, l’analyse du présent rapport au sujet des anciens commissaires de la Commission « Barroso II » démontre qu’en matière de lutte contre le phénomène des portes tournantes, la réglementation reste insuffisante et mal appliquée.
Introduction
Le monde étroit des responsables politiques, des fonctionnaires, des industriels et des lobbyistes, connu sous le nom de « la bulle bruxelloise », est propice à des relations malsaines entre ceux qui écrivent les réglementations (régulateurs) et ceux qui doivent les respecter (régulés). Rajoutons à cela le phénomène des « portes tournantes » (également connu sous le terme « pantouflage ») entre les secteurs public et privé et l’on obtient un risque accru de conflits d’intérêts. Les portes tournantes sont un aspect de l’emprise du secteur privé sur le processus décisionnel de l’Union européenne (UE).
Parmi les décideurs de l’UE, les 28 commissaires européens, un pour chaque État membre, seraient probablement considérés comme les fonctionnaires les plus importants. Les commissaires sont responsables, individuellement et collectivement, de présenter et de négocier des propositions législatives et règlementaires qui touchent 500 millions de citoyens. Il est dès lors choquant de voir comment cinq des treize anciens commissaires de la Commission « Barroso I » (2004-2010) ont franchi une porte tournante pour aller exercer de nouvelles activités problématiques. Ainsi, d’anciens commissaires qui, collectivement, s’étaient tout juste attelés à gérer les répercussions des dernières crises financière et économique, ont rejoint les conseils d’administration du géant de l’assurance Munich Re, de la banque BNP Paribas ou encore de la compagnie d’assurance vie et de crédit hypothécaire Credimo, pour ne nommer que ces derniers.
Parmi les cas les plus notoires, notons celui de Charlie McCreevy. Après avoir exercé la fonction de commissaire européen en charge du Marché intérieur et des services, Charlie McCreevy a rejoint le département des produits dérivés de la société mondiale d’investissement BNY Mellon, ainsi que le conseil d’administration de Ryanair et celui de Sentenial qui fournit des solutions de paiements aux banques. Pendant ce temps, Günter Verheugen, l’ancien commissaire chargé des Entreprises et de l’industrie, a créé European Experience Company, une société de conseil, avec son ancienne directrice de cabinet, et a rejoint le conseil consultatif international du cabinet de lobbying FleishmanHillard tout en devenant le conseiller principal et le vice-président des Marchés et activités bancaires globales en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique de la Banque royale d’Écosse (RBS).
L’indignation a été sans appel : plus de 50 000 personnes ont alors signé une pétition lancée par l’Alliance pour une Réglementation sur la Transparence et l'Éthique du Lobbying (ALTER-EU) pour exiger que des actions soient prises afin de fermer à clef les portes tournantes. Finalement, les règles du code de conduite des commissaires ont été révisées et de légères améliorations ont été introduites (voir l’annexe pour une explication en détail des règles actuelles).
Et pourtant, comme le démontre le présent rapport, le problème des portes tournantes a refait surface quand les commissaires de la Commission « Barroso II » ont quitté leur fonction.
Corporate Europe Observatory (CEO) a souligné combien les tentatives des entreprises et des lobbies d’entreprises d’influencer les politiques de l’UE ont plus que jamais réussi sous la Commission « Barroso II », grâce à la relation étroite entre ces deux milieux. Le Livre noir de CEO a ainsi montré comment la Commission « Barroso II » en est venue à prendre des décisions pour le compte d’entreprises, aussi bien dans les domaines de l’environnement, de l’agriculture et de l’alimentation, qu’au sujet de politiques financières, économiques ou budgétaires. Le présent rapport prétend répondre aux questions suivantes : dans quelle mesure l’emprise du secteur privé sur le processus décisionnel de l’UE a-t-elle perduré, à travers le phénomène des portes tournantes, et quelle a été l’efficacité des réformes pour l’en empêcher ?
Les nouvelles fonctions des anciens commissaires de la Commission « Barroso II » en 10 points :
Nous avons rassemblé au sein d’un tableur les nouvelles fonctions des anciens commissaires de la Commission « Barroso II ». Ces informations proviennent des procès-verbaux des réunions de la Commission, de demandes d'accès à des documents ainsi que de sources publiques. Il s’agit du seul tableur du genre disponible. Ce qui suit est un résumé (tous les chiffres sont corrects à la date du 23 octobre 2015) :
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Pour de plus amples informations sur les anciens commissaires et leurs nouvelles fonctions, voir le tableur sur le phénomène des portes tournantes entre la Commission « Barroso II » et le secteur privé.
Malgré la révision du Code de conduite des commissaires en 2011, à la suite du scandale des portes tournantes impliquant d’anciens commissaires de la Commission « Barroso I », d’importantes lacunes subsistent tant dans la réglementation elle-même que dans son application (voir l’annexe à la fin de cet article). Ces failles conduisent à une emprise durable du secteur privé sur les commissaires de la Commission « Barroso II », même à l’issue de leur mandat.
Viviane Reding (Luxembourg)
Anciennes fonctions : commissaire à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté (2010-2014) ; commissaire chargée de la société de l’information et des médias (2004-2010) ; commissaire chargée de l’éducation, de la culture, de la jeunesse, des médias et des sports (1999-2004)
Nouvelles fonctions : députée au Parlement européen ; membre du conseil d’administration de Nyrstar ; membre du conseil d’administration d’Afga-Gevaert ; administratrice de la Fondation Bertelsmann ; etc.
Viviane Reding a quitté la Commission à la suite de son élection au Parlement européen en mai 2014. Bien qu’elle soit aujourd’hui eurodéputée, elle conserve ses obligations d’éthique en tant qu’ancienne commissaire. Néanmoins, Viviane Reding a obtenu l’autorisation de la Commission pour exercer un certain nombre de fonctions rémunérées et non rémunérées. Ainsi, après en avoir fait la demande, Viviane Reding a reçu l’autorisation de siéger au conseil d’administration de deux entreprises, la société minière Nyrstar 1 et l’entreprise Agfa-Gevaert (systèmes d’imagerie analogique et numérique et solutions informatiques), dans la mesure où elle s’abstenait d’exercer des activités de « lobbying » et de « défendre » les intérêts des entreprises auprès de la Commission. Le comité d’éthique ad hoc n’a pas été consulté étant donné qu’il a été considéré que ces nouvelles fonctions n’avaient pas de liens avec l’ancien portefeuille de Viviane Reding. Ceci est tout à fait surprenant lorsqu’on sait que ces grandes entreprises ont de multiples intérêts au sein de l’UE.
Viviane Reding a été nommée au conseil d’administration d’Agfa-Gevaert en mai 2015 et n’a pas encore rejoint celui de Nyrstar. Selon nous, ces fonctions n’auraient pas dû être autorisées par la Commission. En effet, Viviane Reding a été commissaire pendant 15 ans : ses solides connaissances internes, son expertise, son savoir-faire et ses contacts politiques, ainsi que ses compétences sont susceptibles d’intéresser directement ces entreprises, tout comme les décisions collectives auxquelles elle aura participé au sein de la Commission. En tant que membre du conseil d’administration, Viviane Reding a néanmoins une obligation fiduciaire d’agir dans les intérêts de l’entreprise, ce qui pourrait la placer en conflit d’intérêts avec ses obligations actuelles envers les intérêts de la Commission et du public en général.
D’autres autorisations d’exercer des fonctions rémunérées ont suivi, y compris celle permettant à Viviane Reding de siéger au conseil consultatif (le Kuratorium) de la Fondation Bertelsmann, un think-tank actif en politique. Même si la fondation et le géant des médias du même nom sont des organisations séparées, la fondation en contrôle la majorité des actions (soit 77,6 pour cent des actions du Groupe Bertelsmann). Par ailleurs, trois autres membres du conseil consultatif de l’entreprise Bertelsmann siègent également au Kuratorium de la fondation.
Le comité d’éthique ad hoc a non seulement examiné la nouvelle fonction de Viviane Reding à la Fondation Bertelsmann mais il l’a aussi autorisée à condition que Viviane Reding évite tout conflit d’intérêt incompatible avec le code de conduite des commissaires « en particulier lorsque des projets de la Fondation Bertelsmann impliqueraient la demande et/ou l’obtention d’un cofinancement communautaire et que, pendant les dix-huit mois qui suivent la cessation de ses fonctions au sein de la Commission, elle s’abstienne de faire pression et de défendre les intérêts de la Fondation Bertelsmann auprès de la Commission ».
Néanmoins, l’évaluation du comité d’éthique ad hoc semble plutôt sommaire : en l’espace d’un paragraphe, le comité ne semble pas prendre en considération les liens étroits entre l’entreprise et la fondation, sans parler des intérêts plus larges du groupe.
Pourtant, pour la société de médias et services Bertelsmann, le fait de bénéficier des contacts politiques de Viviane Reding ainsi que de ses connaissances du terrain, et en particulier de son savoir-faire dans les secteurs des médias, de l’éducation et de la protection de la vie privée est d’un grand intérêt. Par ailleurs, Viviane Reding était membre de la Commission qui a engagé les négociations commerciales transatlantiques entre les États-Unis et l’Union européenne (TTIP). Considérant que Bertelsmann est une entreprise de médias à vocation internationale susceptible de bénéficier du TTIP et sachant que la Fondation Bertelsmann a largement fait la promotion du TTIP, la Commission n’aurait pas dû autoriser Viviane Reding à exercer ce rôle peu après la fin de son mandat.
Par ailleurs, à ces préoccupations s’ajoute le fait que Viviane Reding exerce ces fonctions rémunérées alors même qu’elle est députée au Parlement européen et notamment membre de la commission parlementaire du commerce international où elle exerce en qualité de rapporteur et exprime des recommandations dans les négociations au sujet du très controversé Accord sur le commerce des services (ACS ou TiSA en anglais pour « Trade in Services Agreement »). Le code de conduite des députés au Parlement européen devrait être urgemment révisé pour empêcher les députés d’exercer certains deuxièmes emplois, tels que des postes rénumérés de consultant, de lobbyiste ou de direction.
Nous avons contacté Viviane Reding avant la publication du présent rapport. Nous n’avons reçu aucune réponse. Pour plus d’informations, voir : http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/viviane-reding ou notre tableur.
Karel De Gucht (Belgique)
Anciennes fonctions : commissaire au commerce (2010-2014) ; commissaire chargé du développement et de l’aide humanitaire (2009-2010)
Nouvelles fonctions : membre du conseil d’administration de Belgacom (aujourd’hui Proximus) ; de Merit Capital NV ; de CVC Partners ; etc.
L’ancien commissaire au commerce Karel De Gucht a été critiqué par la société civile pour avoir constamment placé les grandes entreprises au centre des négociations commerciales de l’Union européenne. Karel De Gucht a obtenu l’autorisation de la Commission pour rejoindre les conseils d’administration de trois entreprises : l’entreprise de télécommunications Belgacom, et deux entreprises du secteur financier.
Le comité d’éthique ad hoc n’a pas été saisi par la Commission pour examiner le nouveau rôle de Karel De Guch dans Belgacom. Selon la Commission, cette activité n'est pas reliée au portefeuille de l’ancien commissaire. Bien que Karel De Gucht, en tant que commissaire, n’ait pas eu à réglementer directement les télécommunications, il a néanmoins dirigé les négociations sur le TTIP qui connaît un intérêt grandissant dans le secteur des télécommunications. Belgacom (qui opère aujourd’hui sous le nom de Proximus et possède également l’entreprise de médias numériques Skynet) est le plus grand opérateur télécom en Belgique et fait également parti du lobby européen des opérateurs de réseaux de télécommunications ETNO (European Telecommunications Network Operators’ Association). Alors que Karel De Gucht était commissaire au commerce, ETNO et Skynet ont fait pression sur les fonctionnaires européens en charge du « dossier TTIP » au cours de réunions à huit clos. Pendant deux ans et jusqu’en février 2014, alors que Karel De Gucht était toujours à la Commission, non seulement le secteur des télécoms et des technologies de l’information était le troisième plus grand lobby dans les négociations sur le TTIP, mais il était aussi en troisième position en nombre de réunions à huit clos avec la DG Commerce. Proximus figure au registre des lobbies de l’Union européenne (registre de transparence) et a déjà dépensé 299 999€ en lobbying de janvier à juillet 2015.
Selon nous, la Commission n’aurait pas dû autoriser cette nouvelle fonction. Le comité d’éthique ad hoc aurait dû être saisi pour considérer ce cas et la période usuelle de dix-huit mois d’interdiction d’exercer des activités directes de lobbying ne serait être suffisante pour prévenir le risque possible de conflits d’intérêts dans le cas de Karel De Gucht, ancien commissaire au commerce et futur membre du conseil d’administration de Belgacom/Proximus.2
En revanche, le comité d’éthique ad hoc a été chargé d’étudier le nouveau rôle de Karel De Gucht au sein de CVC Capital Partners, décrit comme le plus grand gestionnaire de patrimoine et conseiller en investissement au monde. Le comité a rejeté la possibilité d’un conflit d’intérêts dans la mesure où l’ancienne fonction de Karel De Gucht n’impliquait que les cadres juridiques pour le commerce et l’investissement. À nouveau, le rôle plus large du commissaire européen pendant la terrible crise financière mondiale n’a pas été pris en compte. Seul le service juridique de la Commission a demandé à ce que la période usuelle de dix-huit mois d’interdiction d’exercer des activités de lobbying soit incluse dans la décision d’autorisation.
Karel De Gucht a indiqué que ce rôle était non-rémunéré mais des informations supplémentaires à ce propos ont été censurées. Dans son avis, le comité d’éthique ad hoc a ainsi écrit : « Le comité prend note que l’activité envisagée sera non-rémunérée mais que M. De Gucht peut [texte censuré] ». Le comité a souligné que le texte censuré porte sur « des données privées contractuelles » mais s’il se réfère à des avantages non monétaires que Karel De Gucht retire de ce rôle, les informations n’auraient pas dû être retirées. La rémunération ou non d’une fonction est un facteur majeur (même s’il n’est pas le seul) dans le phénomène des portes tournantes. Dans tous les cas, nous considérons que les anciens commissaires ne devraient pas être autorisés à rejoindre le conseil d’administration de sociétés financières aussi rapidement après la fin de leur mandat.
Karel De Gucht a aussi reçu l’autorisation de siéger au conseil d’administration (fonction non rémunérée) de Merit Capital, à la fois banque privée indépendante et société de bourse dont le siège social se trouve à Anvers et dont les bureaux additionnels sont implantés à Deurle, Hasselt, Courtrai et Louvain, en Belgique, et à Zurich, en Suisse. La déclaration des intérêts financiers du 28 mars 2011 du commissaire Karel De Gucht, adressée à la Commission, indique qu’il était auparavant membre du conseil d’administration de Merit Capital Group (anciennement Sequoia International). Alors qu’il était commissaire, Karel De Gucht a conservé une part substantielle dans l’entreprise : sa déclaration de 2014 indique qu’il détenait « l’usufruit » de 744 700 actions dans Merit Capital, dont la valeur était estimée à 1 900 474€.
Merit Capital ne figure pas au registre des lobbies européens. Néanmoins, Merit Capital participe au Forum Financier Belge et à la Belgian Corporate Finance Association. L’entreprise est aussi membre de Febelfin (Fédération belge du secteur financier), le lobby financier le plus important en Belgique. Febelfin ne cache pas qu’elle pratique des activités de lobbying auprès de l’Union européenne pour le compte de ses membres. Par ailleurs, Febelfin est membre de la Fédération Bancaire Européenne, très active auprès de l’UE.
Nous avons contacté Karel De Gucht avant la publication du présent rapport. Nous n’avons reçu aucune réponse. Pour plus d’informations, voir : http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/karel-de-gucht ou notre tableur.
Neelie Kroes (Pays-Bas)
Anciennes fonctions : commissaire chargée de l’agenda numérique (2010-2014) ; commissaire chargée de la concurrence (2004-2010)
Nouvelles fonctions : conseillère spéciale auprès de la Bank of America Merrill Lynch ; membre du conseil d’administration de Open Data Institute ; etc.
Neelie Kroes occupe plusieurs nouveaux postes. Parmi eux, on retrouve son rôle de conseillère spéciale auprès de la Bank of America Merrill Lynch (Europe, Moyen-Orient, Afrique). La Commission a autorisé ce rôle après avoir consulté le comité d’éthique ad hoc. Nous avons cependant de sérieux doutes à ce propos.
Comme l’indique le comité, Neelie Kroes a décrit la fonction au sein de la Bank of America Merrill Lynch (BoAML) de façon très générale : elle fait seulement mention d’un « leadership féminin » qui, selon ses termes adressés à la Commission, pourrait prendre la forme d’un « partage d’expériences, de points de vue et de perspectives ». Elle a ajouté : « Plus concrètement au sujet de mon rôle de conseillère, je pourrais être amenée à participer à des conférences en impliquant les responsables politiques et les leaders d’opinion ». « Impliqu[er] les responsables politiques et les leaders d’opinion » semble pourtant entrevoir de possibles activités de lobbying. En outre, elle indique dans son courriel qu’elle serait amenée à renforcer « l’engagement client ». Neelie Kroes aurait dû être invitée à fournir de plus amples clarifications sur ce que couvre véritablement cette fonction.
Il lui a été demandé d’éviter les activités directes de lobbying pour le compte de BoAML pendant 18 mois mais aucune mention n’a été ajoutée au sujet de ses clients ou d’éventuelles activités indirectes de lobbying. Il lui a aussi été demandé, en tant que membre non rémunéré du conseil d’administration du Open Data Institue (une organisation à but non lucratif qui encourage « l’innovation »), une fonction parmi d’autres que compte Neelie Kroes, de s’assurer qu’ « qu’aucune des entreprises bénéficiant des services du Open Data Institute ne puissent indument disposer des connaissances et de l’expérience que Neelie Kroes aurait acquises pendant ses mandats ». Il semble y avoir là une incohérence et une omission que de ne pas avoir insisté sur une interdiction de lobbying bien plus étendue en ce qui concerne la fonction de Neelie Kroes au sein de BoAML.
En outre, Neelie Kroes a été commissaire pendant toute la période de la crise financière. Il y a lieu de questionner s’il est dès lors approprié qu’elle rejoigne une grande banque qui a des intérêts européens, quels qu’ils soient, peu après la cessation de son mandat au sein de la Commission. Après tout, selon les données de LobbyFacts, BoAML a dépensé plus de 1 250 000€ en 2014 en activités de lobbying auprès d’un large éventail de dossiers de l’UE, alors qu’elle en avait seulement dépensé 50 000€ en 2013.
Neelie Kroes a rejoint la Commission en 2004 alors que certains notaient à l’époque d’éventuels conflits d’intérêts impliquant la commissaire et ses 25 rôles dans des entreprises. Lors de son audition d’approbation devant le Parlement européen, Neelie Kroes avait alors promis « qu’elle ne retournerait pas dans le secteur privé après la cessation de son mandat de commissaire à la concurrence ».
Nous avons tenté de joindre Neelie Kroes avant la publication du présent rapport. Nous n’avons reçu aucune réponse. Pour plus d’informations, voir : http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/neelie-kroes ou notre tableur.
Anciennes fonctions : commissaire aux transports (2010-2014) ; commissaire chargé de l’administration, de l’audit et la lutte antifraude (2004-2010) ; commissaire chargé des affaires économiques et monétaires (2004-2004) ;
Nouvelles fonctions : consultant pour Nortal (contrat résilié) ; conseiller spécial du commissaire européen Dombrovskis ; président du Groupe de haut niveau d’experts indépendants sur les fonds structurels et d’investissements européens ; etc.
La Commission a autorisé la nomination de Siim Kallas en tant que consultant pour Nortal pour « participer à des projets encourageant les pratiques de bonne gouvernance dans les pays extérieurs à l’UE » à condition qu’il s’abstienne de toute activité de lobbying auprès de la Commission et/ou de ses services en faveur de Nortal, pendant les 18 mois suivant le terme de son mandat au sein de la Commission. Nortal est peut-être la plus grande entreprise de services informatiques dans la région baltique et sa clientèle se retrouve dans le secteur pétrolier, manufacturier, bancaire et des télécommunications aussi bien dans le public que dans le privé.
Le cas de Siim Kallas n’a pas été référé au comité d’éthique ad hoc car aucun lien apparent n’avait été établi avec le portefeuille des transports de l’ancien commissaire. Cependant, quand il a demandé l’autorisation d’exercer ce rôle (le 28 mars 2015), Siim Kallas exerçait déjà la fonction de Conseiller spécial du commissaire Valdis Dombrovskis sur les questions de « conseils stratégiques et politiques concernant le futur de l’UEM et les relations économiques avec les pays voisins de l’Est ». Le rôle de conseiller en relations économiques avec les pays voisins de l’Est de l’UE pourrait être en lien et même se chevaucher avec la fonction de consultant auprès de Nortal dans le but de trouver à l’entreprise de nouveaux clients de services informatiques hors de l’Union européenne. D'après nous, il y a une frontière mince entre offrir des conseils au Commissaire et faire du lobbying ; mais d'après la Commission, offrir des conseils est permis tandis qu'apparemment, faire du lobbying ne l'est pas.
Étant donné qu’aucune référence n’est faite sur le rôle supplémentaire de Siim Kallas en tant que conseiller spécial (ni lui, ni les registres de la Commission n’y font mention) il y a lieu de penser que cet élément n’a pas été pleinement considéré. Il s’agit d’une omission sérieuse qui montre les limites des procédures sur les portes tournantes de la Commission (en premier plan du Secrétariat général, appuyé par le service juridique) : ils analysent les nouvelles fonctions au cas par cas, plutôt qu’en fonction de l’ensemble du portefeuille de l’ancien commissaire.
Les règles et les procédures au sujet des conseillers spéciaux devraient aussi faire l’objet d’examen. La déclaration des activités signée par le conseiller spécial Siim Kallas, et publiée conformément aux règles d’accès aux documents, n’avait pas été actualisée de la mention de sa nouvelle fonction chez Nortal. À la suite de plaintes du CEO à ce propos, la Commission nous a informés que Siim Kallas avait désormais actualisé sa déclaration.
Nous avons contacté Siim Kallas avant la publication du présent rapport. En septembre 2015, il nous a répondu :
« En juin, je suis intervenu à Oman au sujet de l’expérience estonienne en termes de bonne gouvernance. L’objectif était d’aider la société informatique Nortal à vendre leurs solutions informatiques dans ce pays. Ces activités n’ont aucun lien avec mon rôle de conseiller auprès de M. Dombrovskis. Mon contrat avec Nortal a pris fin le 6 août 2015, ce dont j’ai informé la Commission européenne. Je n’ai jamais eu des activités de lobbying pour Nortal auprès des institutions de l’Union européenne ».
Malgré sa fonction de courte durée chez Nortal, la Comission n’aurait pas dû autoriser ce rôle.
Pour plus d’informations, voir : http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/siim-kallas ou notre tableur.
José Manuel Barroso (Portugal)
Anciennes fonctions : président de la Commission européenne (2004-2014)
Nouvelles fonctions : membre du groupe de pilotage du Groupe Bilderberg ; président d’honneur du comité d’honneur du European Business Summit ; etc.
José Manuel Barroso a accepté 22 nouveaux postes dont il a reçu les autorisations : dix dans le monde académique, d’autres fonctions dans le monde de l’art, au sein de think-tanks ou de bureaux de conférenciers. La plupart, bien que pas toutes, sont des fonctions non rémunérées ou des postes honorifiques.
Néanmoins, un certain nombre de ces nouvelles fonctions posent question sur la façon dont elles ont été traitées, en particulier en ce qui concerne son adhésion au groupe de pilotage du Groupe Bilderberg et son rôle de président d’honneur du comité d’honneur du European Business Summit. Ces fonctions ne sont pas rémunérées. Le comité d’éthique ad hoc a été saisi sur son rôle dans le Groupe Bilderberg. Néanmoins, il semble que le comité n’ait pas apporté toutes les considérations nécessaires sur la nature de ce groupe. En effet, les éléments rapportés par le journal The Guardian l’an passé y sont guère pris en compte et notamment le fait que « Bilderberg est rempli à ras bord de membres importants de groupes de lobby puissants », et n’est autre que le reflet des « grandes entreprises, des responsables politiques puissants et des grandes firmes de lobbying. » Dans un tel contexte, il paraît étonnant que José Manuel Barroso n’ait nullement été rappelé de l’interdiction de faire du lobbying.
Pendant ce temps, la Commission n’a même pas jugé nécessaire d’autoriser formellement le nouveau rôle de José Manuel Barroso au sein du European Business Summit (EBS), en raison de son caractère honorifique, bien qu’EBS soit le plus grand événement des lobbies d’entreprises de la « bulle bruxelloise ». La Commission a seulement indiqué avoir pris acte de sa fonction. Mais à quoi renvoie la fonction de président d’honneur du comité d’honneur ? Est-ce seulement avoir sa photo et son nom sur un site Internet ou bien plus ? Est-ce que les membres du comité se réunissent en personne ? La Commission n’a jamais clarifié ces points. En revanche, elle a bien suivi la procédure formelle d’autorisation pour ce qui est du nouveau rôle (non rémunéré) de José Manuel Barroso en tant que membre du conseil international de l’Opéra de Madrid.
La façon dont la Commission traite les fonctions occupées par d’anciens commissaires après leur mandat n’est pas toujours très claire : quelles fonctions exigent ou non une autorisation active et lesquelles requièrent ou non l’avis du comité d’éthique ad hoc ? Dans un souci de clarté et de transparence, toutes nouvelles fonctions, rémunérées ou non, honorifiques ou pas devraient faire l’objet d’une demande d’autorisation.
Nous avons contacté José Manuel Barroso avant la publication du présent rapport. Nous n’avons reçu aucune réponse. Pour plus d’informations, voir : http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/jos-manuel-barroso ou notre tableur.
D’autres cas :
Joaquín Almunia (Espagne)
Parmi les 13 activités pour lesquelles l’ancien commissaire à la concurrence Joaquín Almunia a reçu une autorisation, on retrouve celle de membre (rémunéré) du « comité scientifique » de l’étude « Construire l'Union Energétique Européenne (en anglais) » de la Maison Européenne – Ambrosetti, un cabinet de conseil à but lucratif basé en Italie. Ses membres incluent des cadres supérieurs d’Enel, de la banque ING, JP Morgan et d’autres. En réalité, cette étude sur l’Union énergétique a été « demandée » (et probablement financée) par Enel, la grande multinationale italienne de l’énergie et du gaz. Enel a son logo imprimé sur l’étude et en partage les droits d’auteur. Le conseil consultatif de l’étude comprend plusieurs cadres d’Enel dont Francesco Starace, le directeur général, Simone Mori, la responsable des affaires européennes, ainsi que trois autres membres du personnel. Commander à des tiers des recherches et des études politiques dans un domaine où les grandes entreprises souhaitent augmenter leur influence stratégique est une méthode courante utilisée par ces dernières pour promouvoir leurs intérêts.
La préface du rapport, signé par Joaquín Almunia lui-même, discute des moyens à mettre en œuvre pour améliorer la compétitivité : « La construction d’un marché unique de l’électricité et du gaz doit passer par des interconnexions, des règlementations communes et des incitations adaptées pour les investisseurs. » Autrement dit, nous devrions construire de nouvelles infrastructures pour les combustibles fossiles, ce qui vérouillent notre utilisation de ces sources d'énergie sur le long terme, tandis que les « incitations adaptées pour les investisseurs » reviennent à mobiliser de l’argent public, c’est-à-dire à subventionner l’énergie polluante et, par la même occasion, les infrastructures des entreprises polluantes.
Alors que le rapport soutient la décarbonisation du système énergétique de l’UE, ses recommandations en matière de politiques correspondent davantage aux intérêts d’Enel. Elles renvoient à un marché unique de l’énergie qui faciliterait les activités transnationales des grandes entreprises du secteur, et à un système d’échanges de quotas d’émissions de gaz à effet de serre renforcé.
Avec 2 000 000€ d’activités de lobbying en 2014, Enel est un lobby européen important. Selon IntegrityWatch, la compagnie italienne a rencontré à au moins huit reprises des hauts responsables de la Commission depuis décembre 2014, y compris le vice-président Maroš Šefčovič, responsable de la politique énergétique de l’Union européenne.
Quand la Commission a été invitée à autoriser cette nouvelle fonction, le comité d’éthique ad hoc a indiqué que l’étude pourrait « apporter une contribution utile aux efforts déployés par l’UE ». La Commission a autorisé l’activité rémunérée de Joaquín Almunia dans cette étude à condition qu’il ne « [favorise pas] les intérêts commerciaux des entreprises impliquées ». Cette décision semble pourtant vide de sens lorsqu’on sait qu’Enel a commandé cette étude, et l’a certainement financée, et qu’on retrouve son logo partout dans l’étude. La Commission aurait dû adopter une attitude bien plus sceptique à l’égard de cette activité et des probables retombées positives et automatiques qu’Enel pourrait tirer d’une étude endossée par un ancien commissaire. Joaquín Almunia n’a pas souhaité répondre aux questions de CEO.
Maria Damanaki (Grèce)
Maria Damanaki, l’ancienne commissaire chargée des affaires maritimes et de la pêche (2010-2014), a reçu l’autorisation de la Commission de rejoindre The Nature Conservancy (TNC), une ONG basée aux États-Unis, en tant que directrice générale chargée des océans à l’échelle mondiale. TNC a publiquement annoncé que Maria Damanaki rejoignait son organisation un mois avant que l’activité n’ait été autorisée par la Commission, ce que la réglementation interdit formellement. Maria Damanaki a été invitée à fournir de plus amples informations sur son rôle précis à TNC et sur la nature de ses activités en Europe. Finalement, Maria Damanaki a été autorisée à accepter cette fonction à condition qu’elle « s’abstienne de faire du lobbying auprès de la Commission et de ses services, sur toute question qui pourrait présenter un lien avec son ancien portefeuille […] pendant 18 mois après sa cessation de fonctions ».
TNC fait partie des ONG que Naomi Klein a sévèrement critiquées pour ses liens avec les entreprises d’extraction d’énergies fossiles. De nombreuses personnes qui ont des liens avec des grandes entreprises sont membres du conseil d’administration de TNC dont Goldman Sachs, Google, les groupes Alibaba et Blackstone, et bien d'autres. Le vice-président de TNC n’est autre que James E Rogers, l’ancien président du conseil d'administration, président et PDG de Duke Energy. Le directeur de TNC, Mark Tercek, est l’ancien directeur général et associé de Goldman Sachs, où il a travaillé pendant 24 ans.
Selon nous, la Commission aurait dû étendre l’interdiction de lobbying et la prolonger en faisant référence spécifiquement à ces entreprises qui ont des liens avec TNC, autant à travers leur soutien financier que leur influence dans la gouvernance de TNC. Même si Maria Damanaki n’exerce pas d’activités de lobbying auprès de la Commission pendant 18 mois, au vu de son réseau et de sa grande notoriété, elle serait en mesure d’offrir des conseils importants à son nouvel employeur (lobbying indirect). La Commission aurait dû considérer s’il était même approprié que Maria Damanaki s’engage peu après la fin de son mandat dans une activité si étroitement associée avec son ancien portefeuille et dans une organisation fortement reliée aux intérêts du secteur privé. Nous avons contacté Maria Damanaki qui nous a répondu qu’il n’existait aucun chevauchement entre son ancienne et sa nouvelle fonction et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter d'un potentiel conflit d’intérêts. Sa réponse complète est disponible ici.
Pour plus d’informations, voir : http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/maria-damanaki ou notre tableur.
Janez Potočnik (Slovénie)
Parmi les nouvelles activités exercées par l’ancien commissaire à l’environnement Janez Potočnik, on retrouve celle de président du Forum for the Future of Agriculture (FFA) que l’Organisation européenne des propriétaires fonciers (European Landowners’ Organisation, ELO) et Syngenta ont conjointement créé. Syngenta est une des plus grandes entreprises mondiales de pesticides. En 2014, Syngenta a déclaré un budget de lobbying allant de 1 250 000€ à 1 499 999€ (registre de transparence de l’UE). En 2011, CEO écrivait sur le 4e Forum for the Future of Agriculture : « Ce qui a été annoncé comme ‘un lieu de rencontre pour tous ceux dont le futur de l’agriculture concerne’ s’est avéré être un événement de lobbying rigoureusement orchestré par Syngenta dans le but de redorer son image et de promouvoir son programme pour la réforme de la politique agricole de l’UE. » La Commission a autorisé cette activité à condition que les fonctions de Janez Potočnik ne comprennent aucune intervention liée aux intérêts commerciaux de Syngenta. Il est difficile de comprendre cette décision dans la pratique. En effet, le Forum for the Future of Agriculture est un événement de lobbying faisant la promotion des intérêts des entreprises agroalimentaires qui y présentent leur propre modèle d’agriculture. Aux questions de CEO, Janez Potočnik a répondu :
« En tant que commissaire à l’environnement, j’ai régulièrement participé au FFA car je pensais, et je le pense toujours, qu’il s’agit d’une des meilleures occasions pour préparer le secteur agricole aux changements nécessaires auxquels nous pousse le principe de durabilité. »
Pour plus d’informations, voir : http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/janez-poto-nik ou notre tableur.
Algirdas Šemeta (Lituanie)
Algirdas Šemeta, l’ancien commissaire chargé de la fiscalité et de l’union douanière, est aujourd’hui le nouveau médiateur chargé des affaires commerciales en Ukraine. Ce rôle s’insère dans le projet de lutte contre la corruption en Ukraine auquel participent le gouvernement ukrainien ainsi que des organismes chargés de représenter les intérêts des entreprises commerciales et industrielles parmi lesquelles la Chambre Américaine de commerce en Ukraine, l’Association européenne des entreprises, la Fédération des employeurs ukrainiens, la Chambre de commerce et d’industrie de l’Ukraine et la Ligue ukrainienne des industriels et entrepreneurs. Le comité d’éthique ad hoc a décidé que la fonction de médiateur chargé des affaires commerciales en Ukraine était « essentiellement un service indépendant dans l’intérêt du public ». Nous étions dès lors très surpris de constater qu’Algirdas Šemeta n’a même pas été rappelé de la période usuelle de 18 mois d’interdiction de lobbying, considérant ses liens avec des intérêts commerciaux. Nous avons essayé de contacter Algirdas Šemeta à travers Twitter et Facebook mais nous n’avons reçu aucune réponse.
Pour plus d’informations, voir : http://corporateeurope.org/revolvingdoorwatch/cases/algirdas-emeta ou notre tableur.
Štefan Füle (République tchèque)
Štefan Füle, l’ancien commissaire chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage (2010-2014), est aujourd’hui membre du conseil consultatif international du think-tank Central European Strategy Council (CESC). Selon les informations de la Commission (à la date du 7 août 2015), Štefan Füle n’a pas cherché à obtenir d’autorisation pour exercer cette fonction. Le CESC vise à « renforcer la voix de la Slovaquie et de l’Europe centrale dans les affaires européennes et mondiales » en mettant en relation les « personnalités clés d’Europe centrale et les experts en politique étrangère et en matière de sécurité ». Le code de conduite des commissaires indique que les membres de la Commission peuvent exercer « des fonctions honorifiques et non rémunérées au sein de fondations ou d’organismes analogues dans les domaines politique, culturel, artistique ou caritatif. » Vraisemblablement, un ancien commissaire n’a pas besoin d’avertir la Commission ni de recevoir son autorisation pour exercer ces fonctions. Pourtant, nombreux sont les anciens commissaires qui ont fait part de ces fonctions non rémunérées et certains ont même fait l’objet d’un processus d’autorisation. On peut affirmer qu’il existe un lien entre cette fonction et l’ancien rôle de Štefan Füle en tant que commissaire chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage. Nous pensons que toutes ces fonctions devraient faire l’objet d’un processus formel d’autorisation. Nous avons essayé de contacter Stefan Füle à travers le CESC mais nous n’avons reçu aucune réponse.
Conclusions
En septembre 2014, une étude réalisée pour le Parlement européen concluait :
« De manière générale, le code de conduite [des commissaires] se caractérise par la faiblesse des mécanismes de contrôle et de contre-pouvoir (par exemple, en ce qui concerne le comité d’éthique ad hoc). Alors que d’autres systèmes d’éthique contribuent à renforcer la confiance de l’opinion publique dans les autorités, le système de la Commission apparaît tourné vers les intérêts politiques et professionnels des commissaires. »
Nous ne pouvions pas être plus d’accord et il est grand temps que les règles d’éthique des commissaires soient révisées, y compris après la cessation de leur fonction, comme il est proposé ci-après (et plus en détail dans l’annexe) :
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De manière générale, une approche bien plus rigoureuse et, osons le dire, sceptique est nécessaire à l’égard du phénomène des portes tournantes, en particulier en ce qu’il concerne les dirigeants les plus importants de l’Union européenne, pour garantir que les expériences et les connaissances acquises pendant des années de travail et au plus haut niveau de la fonction publique de l’UE ne finissent pas par bénéficier aux intérêts privés des entreprises.
Une réforme s’impose même s’il est probablement trop tard en ce qui concerne les anciens commissaires de la Commission « Barroso II ». La question est de savoir si le collège des commissaires de Jean-Claude Juncker est prêt à renforcer la règlementation qui concernera le propre départ de ses commissaires. Nous ne nous faisons pas d’illusions.
Annexe : Règles existantes et propositions de changement
Dans cette annexe, nous présentons les règles existantes puis une analyse approfondie de la façon dont elles devraient être modifiées.
1. Quelles sont les obligations des anciens commissaires pour éviter le phénomène des portes tournantes ?
Selon le code de conduite des Commissaires, les règles sont les suivantes :
- Dans les 18 mois qui suivent la cessation de sa fonction, un commissaire qui envisage d’exercer une « activité professionnelle » doit en informer la Commission.
- Le collège des commissaires décide en dernier ressort s’il autorise ou non l’activité (et s’il fixe des limites ou des restrictions à celle-ci) en s’appuyant sur la compatibilité de celle-ci avec l’article 245 du Traité sur le fonctionnement de l’Union europénne (TFUE) qui oblige les anciens commissaires à respecter « les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après [la] cessation [de leurs fonctions], de certaines fonctions ou de certains avantages. »
- Si l’activité envisagée est reliée à l’ancien portefeuille du commissaire, la Commission doit demander l’avis du comité d’éthique ad hoc. En ce qui concerne les cas qui n’ont pas été référés au comité, le Secrétariat général de la Commission formule une proposition d’autorisation, en consultation avec le Service juridique.
- Pendant les 18 mois qui suivent la cessation de leurs fonctions, les anciens commissaires ont l’interdiction d’exercer toute activité de lobbying auprès de la Commission, pour le compte de leur entreprise, client ou employeur sur des questions reliées à leur ancien portefeuille.
- Les règles spécifient que les charges publiques doivent être communiquées à la Commission mais ne requièrent pas d’autorisation formelle.
- Les règles établissent clairement que les commissaires ont des devoirs permanents d’honnêteté et de délicatesse, même à l’expiration des 18 mois après la cessation de leurs fonctions.
Les anciens commissaires ont aussi le droit à une indemnité transitoire généreuse pendant trois ans, comprise entre 40 pour cent et 65 pour cent du traitement de base final, en fonction de la durée de leurs fonctions. Cette indemnité est plafonnée, autrement dit si un ancien commissaire exerce une nouvelle activité rémunérée, sa nouvelle rémunération additionnée de l’indemnité ne peut pas excéder le montant de l’ancienne rémunération du commissaire. Depuis juillet 2012, le traitement brut de base mensuel d’un commissaire s’élève à 20 832€. Le président de la Commission perçoit un salaire mensuel de 25 554€. À titre de comparaison, le salaire net moyen mensuel dans l’Union européenne est de 1470€.
2. Composition et tâches du comité d’éthique ad hoc
Le comité d’éthique ad hoc se compose d’un trio d’anciens membres des institutions de l’Union européenne. Il est actuellement formé d’un ancien directeur général de la Commission, d’un ancien député du Parlement européen et d’un ancien juge au Tribunal de l’Union européenne. Le comité a pour fonction de fournir des avis à la Commission en ce qui concerne la compatibilité des fonctions envisagées par d’anciens commissaires avec leurs obligations issues du TFUE. Le mandat du comité d’éthique ad hoc est limité. Il peut uniquement considérer les cas que la Commission lui a référés, et pour lesquels la Commission juge qu’ils présentent un lien avec l’ancien portefeuille du commissaire ou posent un autre problème spécifique. Le comité peut seulement donner un avis ou faire des recommandations. Il ne s’agit pas d’un organe décisionnel.
Le comité s’est retrouvé impliqué dans un scandale de grande ampleur en 2012-13 quand le président de la Commission de l’époque, José Manuel Barroso, a décidé de renommer Michel Petite à la tête du comité. Michel Petite avait fait l’objet d’une controverse lorsqu’en 2008 il avait lui-même poussé une porte tournante pour se retrouver au sein du cabinet d’avocats mondial Clifford Chance, avec parmi ses clients la société de tabac Philip Morris, après avoir travaillé pour le service juridique de la Commission. Michel Petite a également exercé des activités de lobbying auprès de la Commission. À la suite d’une plainte formulée par une ONG, la Médiatrice européenne a recommandé à José Manuel Barroso de remplacer Michel Petite. Peu de temps après, Michel Petite a annoncé sa « démission » et a été remplacé. La Commission n’a toujours pas reconnu avoir mal agi dans cette débâcle.
3. Analyse détaillée des changements nécessaires à apporter au code de conduite des commissaires
3.1. Conflits d’intérêts et lobbying
- L’actuel code de conduite des commissaires est bien trop vague pour constituer un cadre adéquat à l’évaluation des fonctions envisagées par les anciens commissaires. L’article 245 du TFUE qui oblige les anciens commissaires à respecter « les devoirs d’honnêteté et de délicatesse quant à l’acceptation, après [la] cessation [de leurs fonctions], de certaines fonctions ou de certains avantages » est très subjectif et ambigu. Par ailleurs le terme « conflit d’intérêt » n’apparaît nulle part dans les règles relatives aux activités post-mandat.
- Dès lors, il n’est pas surprenant que toutes les activités envisagées par d’anciens commissaires de la Commission « Barroso II » et référées au comité d’éthique ad hoc aient été autorisées par le collège des commissaires (informations de la Commission datées du 1 octobre 2015). Par ailleurs, en aucun cas, la Commission n’a imposé des restrictions plus sévères que celles fixées par le code de conduite. Selon nous, tous les anciens commissaires devraient être explicitement défendus d’accepter toute nouvelle activité qui risquerait de créer une situation de conflit d’intérêts avec leur ancienne fonction ,et ce pour une période de trois ans après leur départ de la Commission. Ceci devrait être accompagné d’une explication détaillée sur l’interdiction (en faisant référence, par exemple, aux lignes directrices de l’OCDE dans ce domaine).
- Plusieurs failles existent dans le code de conduite des Commissaires et sont accentuées par le manque de définition précise de certains mots et expressions clés. Parmi ceux-ci figurent l’expression « activité professionnelle » : s’agit-il uniquement d’activités rémunérées ou aussi non rémunérées ? Les activités de lobbying ne sont pas non plus clairement définies mais semblent se limiter à du lobbying direct (l’envoi de courriels ou de lettres à la Commission, contacter par téléphone ou rencontrer d’anciens collègues). Le lobbying indirect (le fait de prodiguer des conseils à de nouveaux collègues sur la meilleure façon d’approcher la Commission en s’appuyant sur le réseau et les connaissances gagnés en tant qu’ancien commissaire) ne semble pas avoir été inclus, ce qui présente une grave faille dans les règles.
- L’interdiction pour les anciens commissaires d’exercer des activités de lobbying doit être renforcée. Elle devrait être étendue à trois années complètes et couvrir aussi bien le lobbying direct qu’indirect. S’il existe un risque quelconque qu’une nouvelle fonction implique des activités de lobbying, elle devrait être entièrement rejetée au lieu d’imposer des restrictions limitées au lobbying.
- Comme décrit ci-dessus, dans les cas de Karel De Gucht, Neelie Kroes, Viviane Reding et d’autres, nous pensons qu’il est trop limité de circonscrire l’interdiction d’exercer des activités de lobbying dans des domaines reliés au dernier portefeuille des anciens commissaires. Étant donné que les commissaires sont des individus connus et influents qui, en tant que membre du collège des commissaires, prennent des décisions collectives dans un vaste éventail de sujets et pendant plusieurs années, cette interdiction de lobbying ne devrait pas être limitée et devrait couvrir tous les domaines. Elle devrait aussi s’étendre à toutes les institutions de l’Union européenne et pas seulement à la Commission.
3.2 Notification et/ou autorisation
- L’actuel code de conduite des commissaires est trop limité en ce qui concerne le processus d’autorisation et les points suivants : quel rôle requiert une autorisation, quel rôle requiert seulement d’être notifié à la Commission et dans quel cas le comité d’éthique ad hoc devrait fournir un avis. Il a ainsi donné lieu à d’étranges décisions.
- Le code de conduite des commissaires indique que les membres de la Commission peuvent exercer « des fonctions honorifiques et non rémunérées au sein de fondations ou d’organismes analogues dans les domaines politique, culturel, artistique ou caritatif. » L’expression « fonctions honorifiques » sous-entend des fonctions où le titulaire n’a pas de fonction de direction, de pouvoir de décision ou de responsabilités ou contrôle dans la gestion de l’organisme en question. Étant donné que la section des règles relatives aux activités post-mandat qui renvoie implicitement au phénomène des portes tournantes ne se réfère pas explicitement à ces fonctions, il y a lieu de penser qu’elles ne relèvent pas de ces règles et ne requièrent ni notification ni autorisation. Une série de fonctions figure dans cette catégorie et doit faire l’objet d’une notification mais pas d’une autorisation. Cependant, il existe des cas où nous remettons en question cette décision. Quand l’ancien président de la Commission José Manuel Barroso accepte un rôle au sein du plus grand événement de lobbying des entreprises à Bruxelles, le European Business Summit, un tel rôle ne devrait-il pas être soumis à un processus formel d’autorisation ?
- Par ailleurs, Štefan Füle est aujourd’hui membre du conseil consultatif international du think-tank Central European Strategy Council, et n’a pas, à la date du 7 août 2015, informé la Commission de ce rôle. Le code de conduite des commissaires indique que les membres de la Commission peuvent exercer « des fonctions honorifiques et non rémunérées au sein de fondations ou d’organismes analogues dans les domaines politique, culturel, artistique ou caritatif. » L’expression « fonctions honorifiques » sous-entend des fonctions où le titulaire n’a pas de fonction de direction, de pouvoir de décision ou de responsabilités ou contrôle dans la gestion de l’organisme en question. Étant donné que la section des règles relatives aux activités post-mandat qui renvoie implicitement au phénomène des portes tournantes ne se réfère pas explicitement à ces fonctions, il y a lieu de penser qu’elles ne relèvent pas de ces règles et ne requièrent ni notification ni autorisation. Pourtant, nombreux sont les anciens commissaires qui ont fait part de ces fonctions non rémunérées et certains ont même fait l’objet d’un processus d’autorisation. On peut affirmer qu’il existe un lien entre cette fonction et l’ancien rôle de Štefan Füle en tant que commissaire chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage.
- Pour éviter toute confusion, nous considérons qu’il serait bien mieux de veiller à ce que toute nouvelle fonction (rémunérée ou non, « honorifique » ou non, publique ou non) soit formellement communiquée à la Commission et fasse l’objet d’un processus d’autorisation.
3.3 Transparence
- À l’heure actuelle, le seul moyen d’obtenir des informations concrètes sur les nouvelles fonctions des anciens commissaires consiste à passer en revue le registre des documents de la Commission pour mettre la main sur les décisions en question, puis de faire des demandes d’accès aux documents. Ce processus est inefficace, tant pour la Commission (qui nous a exprimé, en privé, sa frustration quant au nombre de documents dont nous lui faisions la demande) que pour ceux d’entres nous qui souhaitent examiner en détail ces nouvelles fonctions. Ce processus ne garantit pas non plus la transparence. Récemment, la Médiatrice européenne a recommandé une transparence totale sur les nouvelles activités des anciens commissaires via la publication d’informations sur un site Internet dédié à cet effet, dans la lignée de notre tableur. Nous faisons écho à cette recommandation. Si l’information est d’ores et déjà disponible à la demande, elle devrait être publiée de manière proactive par la Commission afin d’en faciliter l’accès aux citoyens et aux associations de vigilance. Les nouvelles activités qui ont été communiquées à la Commission mais qui ne requièrent pas d’autorisation formelle actuellement (les fonctions publiques) devraient aussi être incluses. La transparence doit aussi prévaloir en ce qui concerne les cas de nouvelles activités qui, après avoir été prises en considération, ont été rejetées.
- La Commission a jusqu’à présent refusé de fournir de plus amples informations sur trois demandes d’autorisation qui ont ensuite été retirées par les anciens commissaires concernées, à savoir Connie Hedegaard (pour un rôle) et Androulla Vassiliou (pour deux rôles). Androulla Vassiliou nous a déclaré : « selon le comité d’éthique ad hoc, il y avait un possible conflit d’intérêt. J’ai respecté son avis et j’ai retiré les deux demandes sans donner suite à la procédure vis-à-vis de la Commission européenne. Étant donné que j’ai retiré ces demandes, l’affaire est considérée comme close. »
- Un processus semblable a entraîné le retrait d’une demande d’autorisation de l’ancien commissaire Charlie McCreevy (Commission « Barroso I ») à rejoindre le conseil d’administration d’une banque en 2009-10, à la suite d’une recommandation (négative) du comité d’éthique ad hoc et d’un échange de courriels avec le Secrétaire général de l’époque, et ce avant que le collège des Commissaires n’ait été invité à prendre une décision finale. Nous considérons que tous les avis du comité d’éthique ad hoc devraient être transparents dans tous les cas considérés.
3.4 Indépendance du comité
- Selon notre base de données, seuls 35 des 96 cas autorisés ont été référés au comité d’éthique ad hoc. Le comité ne dispose pas des moyens et des ressources nécessaires pour l’aider dans son travail, bien que la Commission nous ait répondu que le comité pouvait « exiger que la Commission lui fournisse des informations additionnelles qu’il jugerait nécessaires ». Si une demande d’autorisation n’a pas été référée au comité, les propres services de la Commission (l’unité « Éthique » du Secrétariat général) produisent des recommandations pour le décideur en dernier ressort, à savoir le collège des commissaires. À notre connaissance, le collège des commissaires n’a jamais exprimé d’avis contraires aux recommandations qui lui ont été formulées au sujet du phénomène des portes tournantes impliquant des commissaires de la Commission « Barroso II »3. Les procès-verbaux des réunions du collège des commissaires ne révèlent pas l’étendue des discussions et des débats qui ont lieu lorsque le collège se réunit pour prendre une décision sur l’un de ces cas d’ « activités post-mandat », mais son rôle se limite très certainement à entériner automatiquement des décisions en suivant les recommandations qu’il a reçues. C’est pourquoi nous considérons que le système actuel devrait être révisé.
- L’actuel comité d’éthique ad hoc devrait être aboli et remplacé par un comité d’éthique entièrement indépendant composé d’experts des systèmes d’éthique et d’administration des États membres, sans liens avec les institutions de l’Union européenne. Cette indépendance est importante. Selon nous, les institutions de l’Union européenne ne sont pas suffisamment vigilantes en ce qui concerne le risque de conflits d’intérêts dû aux portes tournantes. Les commissaires actuels, le personnel et les anciens membres des institutions de l’Union européenne ne devraient pas formuler des conseils ou prendre des décisions au sujet de nouvelles activités qu’envisagent leurs contemporains. Certaines allégeances passées pourraient fausser le processus. Par ailleurs, il n’est pas approprié de demander à ceux qui pourraient envisager d’ouvrir une porte tournante à l’avenir de formuler des avis ou de prendre des décisions sur des cas de portes tournantes actuels.
- Les règles actuelles du code de conduite ont sans doute placé l’ancien président de la Commission José Manuel Barroso dans une situation de conflits d’intérêts quand il a lui-même géré les cas de portes tournantes de ses anciens collègues. En effet, le 9 septembre 2014, l’ancienne commissaire Viviane Reding à écrit à José Manuel Barroso afin d’obtenir l’autorisation de rejoindre la Fondation Bertelsmann. Au même moment, le 9 octobre 2014, alors qu’il était président de la Commission, José Manuel Barroso a écrit à Catherine Day, la Secrétaire générale, pour lui demander l’autorisation d’exercer certaines activités post-mandat, y compris au Forum Economique Mondial. Un comité entièrement indépendant résoudrait (ou du moins aiderait à résoudre) ce problème.
- Ce comité totalement indépendant devrait être assisté par un secrétariat doté d’importantes ressources et de pouvoirs d’investigation. Ceci permettrait la conduite de recherches plus approfondies et la mise en place de contrôles, afin que les affirmations des anciens commissaires ne constituent pas les seuls éléments de preuve dans la formulation des recommandations. Il pourrait aussi aider à la mise en place de contrôles postérieurs aux autorisations (voir ci-dessous).
- Le nouveau comité d’éthique indépendant serait responsable d’examiner toutes les nouvelles activités des anciens commissaires – rémunérées et non rémunérées – et ses travaux et conclusions devraient être entièrement transparents. Plutôt que d’attendre que des questions lui soient communiquées, ce comité devrait être proactif. Son mandat pourrait être étendu à toutes les questions relatives aux règles d’éthique et aux règlements sur les conflits d’intérêts, aux politiques et aux codes s’appliquant aux commissaires et au personnel de la Commission, à leur mise en œuvre et à leur exécution, dans le but de promouvoir des normes d’éthique élevées et de meilleures pratiques. Une telle structure favoriserait une plus grande cohérence dans des cas comme celui de l’ancien commissaire Siim Kallas qui a eu de multiples rôles et obligations simultanément : ancien commissaire, actuel conseiller spécial à la Commission et ancien consultant dans le secteur privé. Le comité d’éthique indépendant, assisté par un secrétariat doté d’importantes ressources, devrait s’assurer du respect des règles et des conditions spécifiques des nouvelles activités.
3.5 Application cohérente des règles
- Tous les anciens commissaires ne sont pas informés de façon cohérente de leurs demandes d’autorisation à exercer de nouvelles activités et de leurs obligations quant à leurs activités en cours. Dans certains cas, les anciens commissaires se sont vus rappeler leurs devoirs « d’honnêteté et de délicatesse », au titre de l’article 245 du TFUE, et le respect de l’ « observation du secret professionnel ». L’article 245 s’applique également à tous les commissaires. Alors, pourquoi ne pas le leur rappeler à tous ?
- La même remarque vaut pour l’interdiction d’exercer des activités de lobbying. Le cas d’Algirdas Šemeta démontre une omission grave : en effet, la Commission a autorisé l’ancien commissaire à exercer la fonction de médiateur chargé des affaires commerciales en Ukraine, un rôle créé et financé par des intérêts commerciaux en Ukraine, sans même mentionner l’interdiction d’exercer des activités de lobbying. En fait, ce rôle a été autorisé sans faire l’objet d’aucuns rappels ou restrictions additionnels.
- Selon nous, un comité d’éthique et un secrétariat entièrement indépendants, responsables de l’ensemble du processus d’autorisation des nouvelles activités envisagées par les anciens commissaires, combinés à une démarche proactive en matière de transparence dans ce domaine, pourraient sensiblement aider à améliorer la cohérence des décisions.
3.6 Indemnité transitoire et période de notification des activités post-mandat
- En théorie, l’indemnité transitoire a vocation à ce que les anciens commissaires ne soient pas poussés à trouver un nouvel emploi pour des raisons financières après avoir quitté la Commission, et à éviter ainsi un risque de conflits d’intérêts. Tous calculs confondus, l’indemnité transitoire est particulièrement généreuse. Dans la mesure où les anciens commissaires peuvent en disposer pendant trois ans, il serait juste que leurs obligations en matière d’éthique durent pendant la même période. Il est par ailleurs très problématique que ce droit à une indemnité (d’une durée de trois ans) excède la période de notification des activités post-mandat (dix-huit mois à compter de la cessation de leurs fonctions) et qu’il soit possible de cumuler deux revenus (l’indemnité et une nouvelle rémunération). Les anciens commissaires ont d’ores et déjà l’obligation de notifier à la Commission pendant trois ans toute autre source de revenus de façon à appliquer les diminutions nécessaires à l’indemnité transitoire. Ainsi, une modification du délai durant lequel les commissaires doivent demander l’autorisation d’exercer de nouvelles activités de dix-huit mois à trois ans serait aisément applicable.
- Cependant, le code de conduite des commissaires devrait s’appliquer à tous les commissaires, qu’ils acceptent ou non l’indemnité transitoire. Un ancien commissaire qui décide de ne pas toucher l’indemnité, ou de percevoir la pension de retraite de la Commission plutôt que l’indemnité, ou de perdre son indemnité pour percevoir une grosse somme d’argent d’un tiers, devrait dans tous les cas être soumis aux règles du code de conduite relatives aux activités post-mandat.
Le présent rapport a été publié conjointement par Corporate Europe Observatory et LobbyControl.
1. Viviane Reding a reçu l’autorisation de la Commission pour rejoindre le conseil d’administration de Nyrstar mais ne l’a pas encore fait.
2. Jusqu’à ce jour, Karel De Gucht n’a pas encore été nommé au conseil d’administration de Proximus. Des articles de presse ont indiqué en septembre 2015 que sa nomination avait été approuvée par le gouvernement belge (Proximus est détenu à 53% par l’État belge) mais il manque toujours l’autorisation du conseil d’administration de Proximus.
3. En ce qui concerne les demandes d’autorisation formulées par d’anciens commissaires de la Commission « Barroso I » en 2009-10, à une occasion, le collège des commissaires est allé à l’encontre de l’avis du comité d’éthique ad hoc lorsqu’il a voté pour autoriser le cabinet de conseil qu'avait déjà fondé l’ancien commissaire Günter Verheugen. Le comité d’éthique ad hoc n’avait pas approuvé cette activité.