Un pilier du TTIP déjà utilisé pour torpiller des législations d'intérêt public et la démocratie
La « coopération réglementaire », dans l'accord commercial négocié entre les États-Unis et l'Union Européenne (TTIP), accroîtra le pouvoir des lobbyistes des grandes entreprises pour attaquer les législations d'intérêt public et restreindre le pouvoir des élus, selon un rapport publié aujourd'hui.
“Le dangereux duo réglementaire: comment la coopération réglementaire transatlantique sous le TTIP permettra à l'administration et aux grandes entreprises d'attaquer l'intérêt public”, par Corporate Europe Observatory et LobbyControl, remet en cause les dénégations de la Commission Européenne, qui affirme que le Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement (TTIP) en cours de négociation n'aboutira pas à un abaissement des normes, et illustre par des exemples concrets comment cette coopération réglementaire a déjà renforcé le rôle des grandes entreprises dans les processus de décision et affaibli des processus démocratiques existants.
Le chapitre sur la coopération réglementaire dans le TTIP a pour objet d'aligner les normes existantes et futures de l'Union Européenne et des Etats Unis, réduisant la possibilité pour les représentants élus d'initier des mesures et des décisions dans l’intérêt public.
Qu'il s'agisse de règles pour protéger l'environnement, d'aider des conglomérats financiers à échapper à tout examen, de contourner les lois sur la protection des données personnelles ou de retarder l'adoption de lois sur l'expérimentation animale, les études de cas du rapport montrent comment les lobbyistes ont abondamment utilisé la coopération réglementaire pour démanteler des lois d’intérêt public et faire progresser des priorités transatlantiques d'affaires.
Les exemples listés ci-dessous montrent comment la coopération réglementaire a déjà permis aux priorités des grandes entreprises de l'emporter sur l’intérêt public:
Révision à la baisse des ambitions de l'UE en matière de gestion des déchets électroniques dangereux;
Non-supervision du géant de l'assurance AIG quelques mois avant le crash financier;
Irresponsabilité donnée aux entreprises des Etats Unis grâce à l'accord Safe Harbour, qui leur permet de ne pas suivre les règles sur la protection des données personnelles;
Délais imposés aux lois sur l’expérimentation animale, sur les substances qui réduisent la couche d'ozone et sur les émissions de CO2 de l'aviation.
Lora Verheecke, Corporate Europe Observatory:
“Les autorités de l'UE et des Etats Unis tentent de faire passer cette question comme un simple point technique, mais nous observons que la coopération réglementaire génère de plus en plus de critiques dans le débat public autour du TTIP. Les inquiétudes quant à la capacité de cet instrument à affaiblir les normes sont bien fondées et commencent donc à se propager largement. La solution est claire: ce projet des milieux d'affaires doit être stoppé. Renoncer au TTIP serait à cet égard un premier pas plus que nécessaire.”
Kenneth Haar, Corporate Europe Observatory:
“La coopération réglementaire sera au coeur du TTIP et renforcera les possibilités de blocage des avancées passées et futures en termes de protection de l'environnement, de droits des consommateurs et des travailleurs. Comme l'a dit la Chambre de Commerce des Etats Unis, la coopération réglementaire est “un cadeau qui rapporte sans cesse”, mais seulement aux grandes entreprises. Cette boîte à outils pour lobbyistes d'affaires est une menace directe pour les principes démocratiques et nos protections environnementales et sociales.”
Max Bank, LobbyControl:
“Depuis le tout début de la coopération réglementaire transatlantique en 1995, l'UE et les Etats-Unis ont voulu à tout prix inclure les grandes entreprises dans la prise de décision et s'assurer que les priorités des lobbyistes des grandes entreprises soient reflétées dans les politiques. Au vu des éléments collectés jusqu'à présent, il est clair qu'elle permet aux grandes entreprises d'exercer plus facilement leur influence, souvent avant même qu'une proposition législative soit présentée aux parlementaires. Les mêmes lobbyistes d'affaires qui ont poussé à cela font aujourd'hui pression pour graver ces procédures dans les règles politiques via le TTIP , mettant ainsi la démocratie en danger.”