Une Insidieuse Expansion
Le Traité de la Charte de l’énergie (TCE) accorde aux investisseurs étrangers des pouvoirs étendus leur permettant de poursuivre en justice les États coupables à leurs yeux d’avoir ‘porté atteinte’ à leurs investissements dans le domaine de l’énergie. Ils peuvent compter pour cela sur un système de tribunaux avec, en cas de victoire, des réparations qui se chiffrent en milliards. Depuis quelques années, la grogne monte à l’égard du TCE - en cause notamment son potentiel à entraver la transition des combustibles fossiles climaticides vers les énergies renouvelables. Pourtant cette polémique croissante n’a pas empêché de nombreux pays - du sud en particulier - de s’engager sur la voie d’une adhésion au TCE.
Lire le rapport en français, anglais ou en espagnol.
Leurs gouvernements se laissent abuser par des promesses fallacieuses d’arrivée de nouveaux investisseurs et de solutions au problème de précarité énergétique. Ceci au mépris des graves menaces politiques, juridiques et financières importantes que fait peser le TCE sur les nouveaux États signataires.
Cap sur le monde : le TCE tisse sa toile jusqu’en Afrique, en Asie et en Amérique latine
Depuis 2012, le Secrétariat du TCE (qui, bien plus qu’un organe administratif, est la véritable force motrice pour obtenir le soutien et l’adhésion de nouveaux signataires au Traité) n’a pas ménagé ses efforts pour élargir la portée géographique de l’accord aux pays d’Afrique et du Moyen-Orient, d’Asie et d’Amérique latine. Le Secrétariat s’emploie pour cela à minimiser
les risques du TCE et à en gonfler les avantages. Ainsi nombre de pays sont aujourd’hui en passe de signer l’accord, en dépit des effrayantes prérogatives qu’il confère aux investisseurs. Par leur adhésion, ces États risquent en effet de devoir abandonner une partie de leur propre capacité de gouvernance en matière de politique énergétique et s’exposent à des poursuites judiciaires coûteuses de la part d’investisseurs mécontents.
Le Secrétariat de la Char te de l’énergie est en pleine expansion et cherche à faire main basse sur les ressources énergétiques de l’Afrique et de l’Asie pour le compte de ses membres actuels, des pays développés pour la plupart.
Nathalie Bernasconi-Osterwalder, Institut international du développement durable (IISD)
Le Secrétariat du TCE semble cibler en priorité les ministères de l’énergie des nouveaux États membres potentiels. En revanche, les fonctionnaires rompus aux négociations de traités d’investissement et à la défense lors d’arbitrages entre investisseurs et États (à savoir ceux qui ont une longue expérience des risques inhérents aux traités de cette nature) sont manifestement tenus à l’écart du processus d’adhésion.
Cela pourrait expliquer le manque alarmant de sensibilisation aux risques politiques et financiers du TCE dans certains pays candidats à l’adhésion. Alors que nombre d’entre eux ont fait l’amère expérience de procès désastreux intentés par des entreprises au titre d’autres accords et contrats d’investissement, les rapports de la main d’experts nationaux provisoirement détachés auprès du siège bruxellois du TCE sont truffés d’affirmations non fondées sur la façon dont le TCE « peut avoir un impact positif » sur un pays ou une région « pour attirer les investissements énergétiques nécessaires » – mais passent sous silence les risques que représentent les privilèges étendus que le Traité confère aux investisseurs.
Et pourtant, les risques d’une adhésion au TCE ne sont pas à prendre à la légère.
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Voici quelques infographies qui expliquent les dangers du TCE et les pays en voie d’adhésion.